Maracuja: une faille dans la chaîne de valeur
Le Maracuja se place sur le sommet des fruits qui s’imposent sur le marché de l’industrie agroalimentaire au Burundi et répondent positivement aux agriculteurs qui en produisent. Cette culture permet, de nos jours, la création de nombreuses entreprises de transformation de jus et dérivés et la création d’emploi, surtout pour les jeunes s’en suit. Ce fruit, appelé aussi fruit de la passion et de la famille des passifloracées, fait aussi une étoile de la salade de fruits ou de desserts dans certains ménages avant d’être un bon rafraîchissant sur le marché des boissons. Cette plante est très peu exploitée au Burundi et présentent plusieurs failles dans les maillons de sa chaîne de valeur.
La SOPATRAM est une Société de Production Agricole et de Transformation Moderne. Depuis 2020, elle se spécialise dans la transformation des jus de fruits notamment le jus de Maracuja. Son objectif est de mettre en valeur les fruits produits sur le terroir burundais d’abord, de créer de l’emploi pour les jeunes et les femmes ensuite et enfin de générer des revenus pour pouvoir garder le cap sur sa mission d’aider les jeunes filles et les femmes vulnérables. Bien que tenace dans le processus de production, la SOPATRAM rencontre quelques difficultés liées à l’approvisionnement en matière première, premier maillon, à la collecte et au transport, deuxième maillon, à la transformation, troisième maillon et à la commercialisation, dernier maillon de la chaîne de valeur.
Des solutions dans la production du Maracuja
Selon Divin Mugisha, agronome, le Maracuja a toujours été considérée comme un fruit sauvage dans certaines régions. C’est pour cette raison qu’elle n’est pas très cultivée au Burundi en plus du fait que, plusieurs agriculteurs croient que ce fruit n’a pas vraiment de marché d’écoulement. Depuis 2010, des entreprises de transformation agroalimentaire naissent et la plupart se concentrent sur la production des jus de fruits dont le Maracuja. Soudain, ce fruit devient le pion de la concurrence et devient pièce rare sur le marché entrainant la flambée de son prix.
Fabien Dusabe dit Gisage, cultivateur, quant à lui affirme que le maracuja pourrait être produit en quantité suffisante si les agriculteurs étaient sensibilisés. Pour lui, il préfère cultiver le maracuja tout au long de son enclos pour profiter des supports car il s’agit d’une plante rampante. «Avec cette technique, le rendement n’est pas du tout bon ! Par contre, si j’avais des moyens, je pourrais exploiter un grand champ. » affirme-t-il . Un paradoxe entre les producteurs et les industriels, les uns se lamentent du manque de marché d’écoulement le temps où les autres ne peuvent pas s’approvisionner suffisamment pour alimenter leurs machines.
Pour pallier ce problème, la SOPATRAM a créé un champ modèle à Kiganda pour sensibiliser les agriculteurs de cette région à commencer à faire pousser cette plante qui pourrait leur aider à générer des revenus. Cette société, à travers les activités de la coopérative COPAD a appris à la population environnante des techniques agricoles afin de pouvoir les implanter dans leurs ménages.
Outre le champ modèle initié à Kiganda, la SOPATRAM à travers la COPAD organise des groupements de jeunes producteurs et collecteurs de maracuja dans les provinces de Bujumbura rurale, de Rumonge et de Bubanza. Chaque groupement s’organise et la SOPAD, consortium entre COPAD, SOPATRAM et TWINAGURE, loue un champ modèle pour apprendre aux membres du groupement les techniques agricoles de production afin de les appliquer dans leurs champs respectifs. En plus, la SOPATRAM leur garantit un marché d’écoulement permanent.
La collecte des fruits et le marché d’écoulement
La collecte et le transport de maracuja est un autre maillon important de la chaîne de valeur regroupant autour de lui des jeunes et des femmes pour différents marchés d’écoulement. Le premier marché de ce fruit est composé par des jeunes et des femmes qui en font le commerce le long des routes, dans des coins de rues et dans des centres de négoces. Ces jeunes et ces femmes se procurent auprès des fournisseurs de premier ordre dit « abaranguzi ». Pour presque toutes les régions du pays que ça soit à Kirundo, à Bubanza, à Makamba ou à Cankuzo, le prix d’un Kg de maracuja varie entre 1 500 et 1 800 Fbu le kg pour le détail.
Un autre marché se compose de jeunes collecteurs qui fournissent le fruit auprès des unités de transformation. Régis Bukiribigi originaire de Kayanza, un fournisseur de maracuja auprès d’une unité de transformation nous a dit que son client commande en moyenne 2 000 Kg par semaine, ce qui lui fait gagner autour de 800 000 Fbu par mois, de quoi se payer l’Université et un bon logement dans un bon quartier de la ville de Bujumbura.
Bien qu’un marché de fruits de la passion puisse offrir des merveilles pour les jeunes et les femmes, le moyen de transport leur fait toujours défaut et fait grimper les prix. Anita Misago, une femme commerçante de fruits au marché dit COTEBU, affirme que la vente de fruits de la passion est un travail délicat et très fatigant. Il faut au moins deux jours pour collecter et trier les fruits, une demi-journée de trajet depuis Kayanza, une journée pour écouler les fruits. Nous pouvons donc effectuer qu’un seul tour par semaine.
La transformation et la commercialisation : les défis
Un autre maillon très important est celui de la transformation. Il permet à la fois la conservation sur une longue durée mais aussi la mise en valeur des produits dérivés. Ce maillon reste l’espoir pour le reste de la chaîne de valeur même si, des fois, elle présente plusieurs méandres. Lors des périodes de haute saison, les unités de transformation éprouvent des problèmes car, souvent artisanales, elles n’ont pas de capacité-machine à pouvoir gérer toute la production. Même si elles y parviennent, le marché d’écoulement devient un facteur limitant tandis que la conservation devient la traversée de la mer rouge. Durant les périodes de basse saison, le prix de la matière première se voit à la hausse en plus du manque quasi-total des fruits qui s’observe de septembre à novembre.
Pour faire face à ce problème, la Société SOPATRAM prévoit mettre en place un système de gestion des pertes post-récoltes par la fabrication des pulpes de maracuja conservables sur de longues durées qui constitueront de matière première lors des périodes de carence. Ceci permettra donc de consolider la chaîne de valeur quitte à ce que chaque maillon puisse en tirer profit.
Rédaction, ID