COPAD : “Abatwa” une communauté comme les autres!
Quand on parle de « Abatwa », on comprend une communauté à part, dont dirait-on, la loi et règlement du pays sont faits pour les uns et non pour les autres. Depuis des décennies, cette catégorie de gens n’a jamais pu défendre ses intérêts et son existence reste méprisée tandis qu’autour d’eux, le monde continue à danser sur son propre tempo. Pour tirer l’épingle du jeu, la coopérative COPAD encadre 14 femmes de cette communauté dans les activités de développement économique de la commune Kiganda de la province de Muramvya.
Il est 9h 30. Nous sommes vendredi. Les rayons solaires tapent moins fort sur l’endroit où une équipe de jeunes femmes de la communauté des Batwa de la Commune Kiganda fredonnent des chants de joie au rythme d’une danse traditionnelle à l’attente du lancement des activités culturales de la Coopérative COPAD. A la tête du groupement, Madame Bénigne Kigeme exprime d’abord sa joie avant de relater les attentes qu’elles ont envers la coopérative parmi lesquelles, une union et une opportunité de se faire valoir auprès des villageois voisins qui, dans un coin se moquaient avec des mots lourds « Ntamuntu asangira nabatwa aba ari igicibwa » littéralement « l’on est une personne maudite quand on s’assoit avec les batwa » comme quoi, elles ne sont pas des personnes de la lignée de l’homo sapiens. D’une manière ou d’une autre, les 14 femmes dont il était question s’en foutaient comme si elles avaient pris l’habitude de digérer de telles injures.
Malgré tout, rien au monde ne pourrait couper l’allure des femmes batwa de la commune Kiganda pour leur vision et leur volonté de se créer un groupement. A leur première demande, leur désire est de se faire connaître au niveau communal afin de travailler de façon formelle. Outre cette nécessité, elles veulent acquérir un matériel de travail afin de pouvoir, lorsqu’elles ne vaquent pas aux activités de la coopérative, pouvoir aller travailler dans les champs des gens et gagner de l’argent. Elles veulent aussi constituer une caisse d’épargne pour préparer leur avenir et aussi pour pouvoir financer leurs microprojets dont l’élevage des chèvres et des porcs priment.
Toute une chaîne de bénéficiaires
A voir l’ambiance et la joie qui régnait sur les visages de ces jeunes dames, on peut deviner qu’elles avaient vraiment besoin d’un catalyseur pour commencer ce projet qu’elles attendaient depuis des mois. L’on peut conclure qu’elles y espéraient des revenus et que ceci était d’ailleurs la raison de leur union.
La prénommée Yolande Buganayandi, une femme membre de l’équipe s’exprime : « Nous n’avons pas de terre, nous vivons dans des conditions d’extrême pauvreté. Bienvenue la COPAD qui vient nous donner un coup de main. Dorénavant, nous pourrons gagner de l’argent et envoyer nos enfants à l’école. En plus nos familles pourront manger à satiété. » Avant d’ajouter que « La COPAD nous permettra aussi d’avoir du petit bétail pour être considéré dans la société. Nos maris n’auront plus à se faire à eux seuls pour subvenir aux besoins familiaux ».
Ce n’est seulement pas les femmes qui en tirent profit, c’est plutôt toute une chaîne de bénéficiaires jusqu’au consommateur finale des produits agricoles qui en savoure le goût.
Du labour au semis, du sarclage à la récolte, toute une chaîne d’activités se chevauche et permet aux femmes de gagner leur pain quotidien. Pour des travaux qui exigent de la force musculaire, comme le déracinement des souches d’arbres, les femmes bénéficiaires du projet font recours au soutien de leurs maris.
C’est aussi l’administration locale qui se réjouit de ce projet de développement visant les personnes vulnérables et écartées de la société, par les propos d’un conseiller collinaire.
Un tas de défis relevé
Les femmes Batwa de Kiganda n’ont pas de terres cultivables. Elles vivent essentiellement des travaux de gage qu’elles exécutent auprès des exploitants agricoles, à défaut, elles passent du temps dans les rues ou sur les chefs-lieux des centres pour mendier ou quémander de quoi mettre sous la dent. La coopérative COPAD exploite une superficie d’environ 3,5 ha où elle fait pousser des cultures vivrières comme le maïs, le haricot et la pomme de terre, l’hibiscus et le maracuja. Selon Madame Claudette Nduwayezu, la pionnière de cette activité, une partie de récoltes soit l’équivalent d’un hectare sera utilisée pour nourrir les familles de ces femmes bénéficiaires tandis qu’une autre sera vendue pour assurer la pérennité du projet.
Outre une partie des récoltes qui leurs reviennent, les femmes bénéficiaires sont rémunérées journalièrement sur toutes les tâches champêtres. Le coût moyen de la main d’œuvre est de 2 500 Fbu par jour pour une femme tandis qu’il est de 3 000 Fbu par jour pour un homme. Ce qui veut dire que, en moyenne une femme peut encaisser 300 000 Fbu pour une saison, suffisamment de quoi s’acheter du bétail ou soit un revenu moyen d’un fonctionnaire de niveau licence.
La COPAD a mis en place un plan de restauration de ses bénéficiaires et souvent de leurs enfants lors des journées de travail pour leur éviter le souci culinaire. Un fait, vraiment satisfaisant pour ces femmes comme le souligne Triphonie Ngendakumana, l’une des membres du groupement. Ce plan a aussi été initié dans l’optique de lutter contre la malnutrition sévère qui faisait rage dans les enfants de cette communauté, au lieu de croire aux fétiches et au balai de la sorcière comme l’a toujours été le cas lorsqu’une mort soudaine leur survient.
Rédaction, ID